Lucie 1 - 7
10h00 – Suis au soleil. Sur la plage. Assis à une table. Devant un petit déjeuner de star. Tiens, c’est bien simple : suis une star… entourée de stars.
A ma gauche, Juliette Binoche se gave de croissants. A ma droite, Nick Nolte sirote son café, la tête dans le sac. Et droit devant : Elias McConnell[1] donne une interview. Waoooooooouuuuuu ! Horriblement beau et dégueulassement jeune.
***
Faut que je mange pour reprendre des forces. Suis épuisé après une soirée, et surtout une nuit, d’enfer.
L’assistant de Roberto m’attendait à deux pas du palais des Festivals. Juste devant nous, les projecteurs, les flashs, la foule en délire, le tapis rouge et ses vedettes.
Ma mère m’avait promis de regarder la télé. Elle a certainement enclenché son magnétoscope.
Je m’étais imaginé passer au milieu des photographes, poser quelques secondes devant les objectifs, faire un petit coucou aux fans et commencer mon ascension, tranquille, pour profiter de ces quelques secondes de gloire !
Peau de balle ! Suis pas une vedette.
On a fait la queue pendant 20 minutes entre des barrières hautes de 2 mètres. Passage derrière la horde des paparazzi qui hurlaient : « Monica, par ici. Jean, Jean ? Un petit sourire ». Pas un pour crier mon nom. Normal… m’ont pas vu. Me tournaient tous le dos !
On est arrivé juste en bas des marches qu’il a fallut grimper en courrant au rythme d’un « Plus vite ! Plus vite ! », scandé par un vigile patibulaire.
Ai tout juste eu le temps de me retourner pour voir le tapis rouge et les badauds en bas, avant qu’une main ferme me pousse vers la porte. Pfffff !
Heureusement, nous étions bien placés dans l’immense salle de projection.
Hummm. Me suis endormi pendant le générique de début. L’assistant de Roberto m’a réveillé un peu avant la fin du film parce que, parait-il, je ronflais trop fort ! N’importe quoi !
Après la projection, nous avons couru à l’autre bout de la Croisette (plus d’un kilomètre en mocassins vernis et smoking !) pour attraper une navette (moi, j’appelle ça « un bus », mais à Cannes, on dit « navette », ça fait plus classe !). Direction : une villa top secrète dans les hauteurs de Cannes pour « une soirée hyper VIP avec tout plein de gens connus et super importants », m’a promis l’assistant de Roberto.
Ai prié pour qu’il y ait à manger et à boire parce que je n’avais rien dans le ventre sauf le sandwich du train de la veille au soir. Commençais à me sentir faible.
Ai été entendu. Mmmm. Des monceaux de petits fours, des tas de gâteaux, des tonnes de trucs à engloutir. Ai bien bu aussi. Plein de coupettes de champagne. Délicieux.
Petite promenade digestive dans le parc de la villa. La vue sur la baie de Cannes était magnifique. Me suis assis un instant pour en profiter en sirotant mes petites bulles.
Ai finalement été réveillé par la truffe glacée du doberman d’un maître-chien qui patrouillait dans le parc à 5h00 du matin. Tous les invités étaient déjà partis. Et leur putain de dernière navette venait de quitter la villa.
Suis donc rentré à pied !
Me suis tapé 8 kilomètres, heureusement en descente, au milieu de la nuit, déguisé en pingouin.
Foutue soirée ! Suis trop nul !
Me suis couché à 7h30 !
Même pas eu le temps de profiter de ma superbe suite de luxe. Ai trouvé sur mon lit un petit mot de Roberto qui espérait que j’avais passé une super soirée et qui me demandait de libérer la chambre pour 9h00 que le réalisateur azerbaidjanais d’un film très attendus dans une section parallèle puisse se reposer. M’a promis qu’on se verrait à Paris !
***
Elias McConnell (mon Dieu qu’il est beau… mais très jeune !) termine son entrevue avec le journaliste. Pourrais aller lui parler. Lui dire un truc genre : « Can you donner moi un autograph, please ? » Non, Nathalie serait furieuse si elle m’entendait. Elle me conseillerait plutôt de l’aborder genre : « Hi, Alias, Comment is your chambre ? Parce que my bed is un peu dur ! Pfff, palaces are not comme avant, hein ? »
Je dois absolument partir sur un coup d’éclat, sinon j’aurais vraiment l’impression d’avoir raté mon premier festival de Cannes. Allez, hop, je me lance.
Suis à 5 mètres de Elias quand un grand type (au moins 2m50) se jette devant moi.
- Désolé, monsieur, mais cet espace est réservé au journaliste.
- Ca tombe bien, je lui réponds en exhibant ma carte de presse.
Hé, ben, oui, suis journaliste moi, mon petit gars !
Le colosse se pousse. Me sourit même.
Je m’approche de la table de Elias qui est encore plus beau en vrai et surtout de près (mais toujours aussi jeune, c’est très énervant !)
Plus que 2 mètres. 1 mètres. Et…
- Vous êtes ? me lance une petite nana avec un énorme dossier dans les bras.
- Journaliste.
- Je m’en doute, mais pour quel média ?
- Je suis rédacteur en chef du journal et…
- Désolé, mais vous n’êtes pas sur ma liste. Appelez mon bureau, on verra ce qu’on peut faire.
***
Le bel Elias m’a fait un petit sourire. Il avait l’air vraiment désolé. Suis même sûr d’avoir aperçu du regret dans son regard. Mmmm.
***
Bon, vais à la plage ! Ca me remontera le moral.
Brrrr. Un peu froide, l’eau. Me baignerai plus tard !
***
[1] Elias McConnell, comédien américain, vu dans Elephant de Gus van Sant et à Cannes 2006 pour un des segments de Paris, je t’aime.
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