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Quatre filles et un garçon
19 octobre 2010

Mardi 19 octobre

-           Raté, soupire Nathalie, alors que la boule de papier que je viens de lancer en direction de la poubelle rebondit par terre et roule aux pieds de... Gloria.

-           Désolée de vous interrompre. Sa voix de crécelle me tire de mes pensées moroses. Mais nous vous attendons depuis deux minutes dans la salle de conférence. Et vous savez combien Big Boss déteste que l’on soit en retard.

Gnagnagna.

***

Dieu le père est assis au bout de la grande table. Véronique à sa droite. Autrement dit à ma place. N’aime pas du tout ça. Les doigts boudinés de Big Boss tapotent sur le bois massif.

-           J’espère que vous avez une bonne raison pour m’avoir fait attendre, gronde le patron.

Oui, mon Jules me fait la tête et j’ai raté la poubelle avec une boulette de papier.

-           Je présentais à Max mes idées de nouvelles chroniques, ment admirablement Nathalie penchée très en avant pour offrir à Big Boss une vue plongeante sur son décolleté et obtenir par la même occasion son absolution.

Big Boss a une absence d’une demi-seconde, avant de se ressaisir. 

-           Véronique, c’est à vous.

-           Merci Jâââcques, susurre Véronique entre ses dents de carnassier.

Voilà que cette conne dit « Jâââcques » comme Martine. Est-ce qu’il va falloir que moi aussi je m’y mette ? Nathalie a l’air du même avis que moi ; je vois ses yeux se lever vers le ciel.

-           En m’offrant l’opportunité de rejoindre la rédaction, Jâââcques m’a aussi confié une mission : reconquérir le public masculin que notre magazine a perdu depuis quelques temps, trop tourné vers les rubriques féminines sans véritable fond.

Les yeux de Nathalie s’ouvrent tout grand. Je peux voir la pointe de deux missiles nucléaires briller au fond. Nath’ ouvre la bouche mais Big Boss lui clou le bec d’un petit geste – ferme – de la main. Véronique sourit de contentement et poursuit :

-           J’ai donc décidé de supprimer la rubrique des sports...

Tous les regards des participants en disent long de la surprise de cette annonce.

-           ... pour développer un véritable cahier totalement dédié à ce domaine d’actualité extrêmement générateur de revenus publicitaires.

Véronique fait une pause pour savourer son effet.

Nathalie profite du silence pour bondir telle une lionne sur l’antilope.

-           Ça n’a rien de révolutionnaire ; nous avons adopté exactement la même stratégie avec le supplément féminin ; c’est d’ailleurs grâce à lui que nous avons engrangé 35% de publicité supplémentaire la semaine de son lancement.

-           Pour finalement accuser une baisse de 15% en cumul sur les dernières semaines et perdre 20% de notre lectorat masculin, lance une voix masculine au fond de la salle. Ainsi que des annonceurs historiques comme des constructeurs automobiles qui s’adressent à ce public masculin...

Hanz est debout et pointe un petit faisceau laser sur l’écran où apparaissent des tas de graphiques auxquels je ne comprends pas grand-chose.

-           Une erreur de la régie publicitaire du journal qui n’a pas su vendre la cible féminine alors que l’on sait très bien que les femmes sont les éléments décideurs du couple pour les achats concernant le ménage, rebondit Nathalie. Et donc les votures.

Big Boss fronce les sourcils.

Véronique claque des doigts.

Hanz se rassoit.

***

-           Bien dressé le toutou à sa mémère, ricane Nathalie, vautrée dans le fauteuil dans mon bureau. Tu crois que si elle lui lance un os, il court le chercher et lui rapporte en remuant la queue ? J’aimerais bien l’avoir d’ailleurs sa queue.

-           Tu ne devrais pas crier victoire, je soupire. Je te rappelle que Véronique a préconisé une diminution du nombre de pages du supplément féminin pour augmenter la rubrique sport sans taper dans le budget du journal.

-           T’en fais pas ! Je m’occupe de Big Boss...

-           A propos, regarde un peu qui passent dans le couloir.

Big Boss en grande discussion avec Hanz précède Véronique, hilare, accompagnée de Martine. Nathalie bondit de son siège et ouvre la porte en grand.

-           Vous allez déjeuner ? elle demande tout sourire. Je peux me joindre...

-           Je vous verrai à

15h.

Pile ! répond Big Boss sans se retourner. Ne me faîtes pas attendre comme ce matin.

Le ding de l’ascenseur retentit et les portes se referment étouffant les rires de Martine et Véronique. Nathalie, elle, ne rigole plus. Mais alors plus du tout.

***

13h10

– Vais avoir un peu de mal à digérer les nems de chez Tang si je continue de penser à toutes les catastrophes qui s’abattent sur ma pauvre petite tête depuis quelques jours.

1 – Jules me boude ;

2 – Natacha me prend pour un gigolo ;

3 – C’est la guerre au boulot.

14h15

– Comme la loi des séries ne concerne pas que les crashs aériens, une autre mauvaise nouvelle pointe le bout de son nez. J’ajoute donc un 4 à ma liste des merdes du jour :

4 – Rex-le-chien est malade.

Magali m’a appelé en larmes (me semble bien que c’est la première fois qu’elle pleure) ; elle doit filer chez le véto en urgence.

14h38

– Je me disais bien que 4 emmerdements, ça n’était pas assez ; allez, zou ! Un petit 5ème pour la route.

5 – Nathalie a reçu un mini cercueil noir dans une boite à chaussures.

Son persécuteur lui en veut vraiment – ou alors c’est un grand voyageur - parce que le colis a été posté de Russie.

De Russie !

Pourquoi de Russie ?

15h10

– Suis dans le bureau de Big Boss. Nath’ m’a précédé de 10 minutes. Leur discussion a très vite changé de sujet. A l’origine, il était prévu un point sur l’avenir du supplément féminin mais quand Big Boss a vu Nathalie débarquer avec une tête de six pieds de long et un petit cercueil sous le bras, il a vite compris que la priorité n’était plus au journal.

-           Vous attendez que votre collaboratrice soit retrouvée assassinée pour me faire part des menaces qui lui sont faites ? m’engueulent Big Boss.

-           C'est-à-dire que..., je bredouille.

-           C'est-à-dire que nous en reparlerons plus tard, me lance-t-il, avant de décrocher son téléphone. Passez-moi l’inspecteur Mascot, ordonne Big Boss.

***

Et un petit 6 à ma liste des plans foireux de la journée :

6 – Big Boss va me passer un putain de savon.

***

Question : est-ce qu’une fois les 10 merdasses atteintes, je gagne un truc ?

***

Nathalie a passé son après-midi enfermée dans la salle de conférence avec l’inspecteur de police appelé par Big Chef. Il lui a posé des tas de questions sur qui pouvait bien lui en vouloir. La nouvelle a fait le tour du journal et tout le monde y va désormais de ses supputations sur le qui et le pourquoi des menaces. Et le premier sur la liste des suspects, c’est le gros François, l’ancien chef de la pub, que Nathalie a dénoncé à sa femme parce qu’il la trompait.

La police a confirmé que c’était une possibilité, mais personne ne comprend comment le gros François arrive a envoyé des cercueils depuis la Russie alors qu’il est en maison de repos au fin fond de la Creuse et en pleine dépression.

-           Peut-être qu’il a demandé à Irina de les envoyer pour lui, a proposé Karine, la secrétaire gentille-mais-un-peu-cul-cul-la-praline entre deux gorgées de café devant le distributeur. Ils s’entendaient très bien tous les deux ; surtout depuis le jour où Irina avait laissé le gros François lui tripoter les seins en échange de son intervention auprès de Big Boss pour que la rubrique jardinage saute au profit d’une page en plus pour les produits de beauté. Le gros François avait pipeauté les chiffres de la pub sur le jardinage pour que Big Boss valide la suppression de la rubrique. Du coup, Irina le laissait la peloter de temps en temps.

-           Comment sais-tu ça ? je demande, songeur.

-           C’est Irina qui me l’a raconté le soir où nous avons fêté son anniversaire dans un restaurant russe. On était complètement bourrées toutes les deux. Faut dire qu’on avait descendu une bouteille de Vodka chacune ; je me rappelle aussi...

N’ai pas entendu la suite de l’histoire.

« Bon sang, mais c’est bien sûr » me suis-je écrié dans ma tête, comme Maigret.

Les pièces du puzzle se sont emboîtées toutes seules à la vitesse de la lumière.

A/ Nathalie a été nommée responsable du magazine féminin évinçant Irina ;

B/ Irina, russe aux gros seins en silicone, est rentrée dans son pays où elle est devenue star de la télé en fricotant avec le chef de la mafia locale.

C / Irina veut se venger et tente de faire assassiner Nathalie par un tueur à gage de l’ex-URSS.

La boucle est bouclée.

***

L’inspecteur de police trouve aussi que tout cela se tient. Nathalie va devoir être sous surveillance 24 heures sur 24 avec un policier en civil qui la suivra partout où elle ira.

-           Vue sa tête, pas question qu’il me suive sous la douche ou dans mon lit, elle me confie en vitesse pendant que son gorille parle avec son chef, l’inspecteur Mascot.

Je l’envie presque d’avoir un garde du corps personnel. Un peu comme les vedettes.

-           Si tu veux je te le prête. Avec les petits cercueils et le tueur russe.

***

Je crois que ce qui la gène vraiment, c’est qu’avec un policier sur ses talons non-stop, elle ne va pas pouvoir se livrer à son loisir favori : s’envoyer en l’air avec des supporteurs de foot.

Par contre, je crois qu’elle n’aurait pas été contre une surveillance rapprochée par l’inspecteur Mascot.

***

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  • Chaque semaine, vous en saurez plus sur Max, Lucie, Marie, Magali et Nathalie. Vous allez les suivre dans une expérience incroyable, sur leurs lieux de travail, dans leur petit chez eux et... au fond de leur lit ! Bonne lecture à tous
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